Il y a une tradition dans la famille qui ne se perd pas,
et qui, dans le barème d'importance et de priorité,
atteint le chiffre maximal, disons 10 sur 10.
Immanquablement, il trône sur notre table ce jour-là
c'est un peu le roi du repas... régressif à souhait puisque notre grand-mère nous le présentait et nous le servait cérémonieusement
une fois la chasse aux oeufs dans son immense jardin, terminée.
Nos petits paniers d'osier remplis de chocolat,
réjouis et heureux,
nous posions nos fesses sur les marches de l'escalier,
la margelle de la porte ou la fenêtre de la salle à manger,
ou "le petit mur" dominant la rue.
Là, se faisait en général la photo souvenir
puis bien vite,
les regards se croisaient et plongeaient
dans le panier de l'autre pour voir ce qu'il avait déniché...
Constat, comparaison
Il arrivait alors que...
parfois, nous partageâmes, si l'un d'entre nous en avait plus,
nous passions ensuite à l'attaque.
Il y avait les magnifiques oeufs durs de poules teintés
par Bonne maman avec des pelures d'oignons,
qui avaient cette couleur d'ocre rouge si intense.
Ensuite, fébrilement, nous tentions de retirer la feuille de papier brillant
(pas toujours simple avec des doigts d'enfant),
pour engouffrer ensuite ces divins bonbons chocolatés
ainsi que les petits oeufs liqueur qui s'enfournaient eux par poignées
dans nos bouches goulues,
gonflants nos joues roses d'enfants heureux.
Ensuite, car il y avait un ordre que nous avions défini,
croquer, s'il y en avait cette année là,
le gros oeuf ou le cul de la poule en chocolat...
tout cela sous le regard bienveillant chargé d'amour de nos grands-parents.
Quel bonheur !
Il fallait ensuite aller se laver les mains
et la trombine lorsque le chocolat fondu avait atteint les joues.
Enfin le moment tant attendu arrivait...
En tenues de combat
(des vêtements qui ne craignaient rien,
car là-bas au Rochereau, nous étions les rois,
et faisions à peu près tout ce que nous voulions
sans abimer nos vêtements de citadin,
Bonne-maman avait une réserve conséquente de vieux vêtements
dans une valise sous son armoire de chambre)
mains enfin virginales, nous passions à table.
Bonne maman arrivait avec son grand plat en inox...
Il était enfin là, fumant...
J'ai nommé notre...
notre très cher pâté de Pâques ou pâté Berrichon.
C'est simple, une pâte feuilletée
dans laquelle se trouve enfermés farce à la viandes et oeufs durs.
C'est beau et délicieux.
Chaque année depuis au moins 30 ans,
je refais ce pâté pour mes enfants
et la famille présente ce jour-là.
Quelques jours avant, je prépare ma pâte feuilletée,
lui donne ses tours et temps de repos.
Le dimanche de Pâques,
je prépare la farce composée de chair à saucisses,
de viande blanche, persil, oignons etc...
et mets à durcir des oeufs.
Vient ensuite le montage de l'édifice !
On étale une première partie de la pâte, puis une couche de farce,
on place les oeufs durs écalés à la queue leu-leu
et on recouvre du reste de farce.
On vient ensuite placer la seconde partie de la pâte étalée,
on soude bien le tour, on fait de jolis motifs.
Hier j'avais fait des feuilles et deux grosses roses,
un coup de pinceau pour dorer le tout et hop
on met à four chaud.
Au bout de 20 minutes en général,
une bonne odeur se diffuse dans la cuisine.
Mais hier,
bizarrement rien...
Hum...
Un doute s'insinue dans mon esprit...
J'ouvre la porte du four pour y jeter un oeil et là...
stupeur...
Non mais c'est quoi ce truc...
Ahhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhhh,
non mais ce n'est pas possible...
mais que s'est-il passé ?
Vision d'horreur... tout mon travail de la matinée anéanti...
J'en ai presque les larmes aux yeux...
Ce que je vois est...
désolant...
Mon pâté est tout nu et a perdu sa pâte si richement décorée.
Oui les Zamis, il n'y a plus que le tas de viande et la pâte du dessous...
tout à disparu sauf les fleurs...
Je sors la plaque brûlante et constate...
Non je ne rêve pas
elle est là,
la pauvre chose gisant sur mon plan de travail devant mon regard désabusé.
Désespoir... pas le temps de refaire une pâte feuilletée.
Une pâte brisée alors ? Non, je n'ai pas assez de beurre.
Margarine ? Ouh non sacrilège pour ce pâté...
Bon ben tu n'as plus qu'à t'habiller vite fait,
sauter dans ta voiture
et aller au supermarché acheter de la pâte feuilletée industrielle...
Oui ben pour une fois...
Allez c'est parti... Oh put... le monde...
m'en fout il me faut ma pâte...
Hop hop hop hop je circule à toute vitesse dans les rayons,
je chope trois pâtes de Chez "Marie" et file aux caisses...
Ohhhhhhh bordel le mooooonnnnnnde !
Caisse rapide aussi...
Bon ben j'attends quoi... ça doit se gagner un pâté de Pâques...
Retour à la maison...
Ouf, sauvée !
Je déroule ma première abaisse.
Bon je fais quoi maintenant face à cette chose...
Bien ce sera... une galette-pizza-pâté de Pâques !
ce sera original !
Hop une première couche de farce,
les oeufs coupés en deux mis en cercle,
deuxième couche de farce,
deuxième abaisse,
lustrage à l'oeuf et au four !
Tout est est fait à l'arrache
mais nous aurons notre traditionnel repas de Pâques
Ouf !
12 h 45 nous sommes à table,
prêts à déguster ce qui sera désormais
"le spécial pâté de pâte de l'année covid 2 le retour"
Voilà
Heureusement que je l'ai préparé pour le midi
et non pour le repas du soir...
Sur cette fin de récit,
je vous laisse les Zamis profiter de ce lundi de Pâques.
@très vite.